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NOTRE FRATERNITE
29 juillet 2013

DENIS CLAIR

DENIS CLAIR

 

J'aimerais commencer par la fin et en rester là : j'aurai 92 ans en octobre prochain et suis proche de la cécité totale, avec autorisation de port pour une canne blanche. Toutes mes activités et initiatives ont été bénévoles. J'ai toujours vécu modestement avec ma famille. Depuis plus de 25 ans, nous sommes en HLM dans un quartier dit difficile et dangereux. Dans notre grand immeuble, les trois quarts des familles sont "issues de l'immigration" et nous nous entendons fort bien ensemble.

 

Mais, à l'initiative de ce blog, on pourrait me demander de me dévoiler davantage, pouvant déjà garantir la pérennité de cet espace de liberté dont la relève est assurée.

 

J'ai respecté et je respecte toutes les opinions à la seule exception de celles qui suscitent l'intolérance et la haine. Mais je me méfie des certitudes. Je suis avec ceux qui disent "je cherche", rarement avec ceux qui disent "j'ai trouvé". Aimé CESAIRE, Albert CAMUS, Marlène DIETRICH, Jean COCTEAU, Georges SIMENON, Léopold-Sedar SENGHOR m'honorèrent de leur amitié, mais il en est deux que je considère comme mes pères spirituels : l'Abbé PIERRE, qui confiait "j'ai eu et j'ai la foi mais j'ai souvent douté" et Jean ROSTAND qui disait "Ah, si les croyants pensaient aussi souvent à Dieu que j'y pense, moi qui suis athée !".

Je publierai ici des textes inédits qu'ils m'ont laissés.

 

Ma génération conserve les traces de la dernière guerre mondiale et de l'Occupation.

 

Le samedi 20 juillet 2013 sur Europe 1 Gilbert COLLARD, tonitruant, fanfaron et envahissant porte-parole de Marine LE PEN déclarait : "On sait maintenant que François MITTERRAND avait des liens très étroits avec la Collaboration". (sic). Je suis surpris que, depuis, aucun des politiciens qui doivent leur situation au Président MITTERRAND - dont je suis loin d'avoir toujours éprouvé la politique - ne soit intervenu pour relever cette infamie.

Gilbert COLLARD ce serait peut-être retranché derrière les trois ou quatre historiens bornés se disant spécialistes de cette douloureuse période, retrouvant les télévisions tous les ans, pour y affirmer, sans risque d'être contestés que de GAULLE et Londres c'était le Bien, PETAIN et Vichy le mal.

 

Je ne revendiquerai certainement pas le contraire. La vérité est beaucoup plus complexe. Je sais gré à de GAULLE de son action prophétique et je considère qu'HITLER est le plus grand monstre jamais produit par l'humanité et que tous ceux qui, sciemment, ont favorisé le nazisme par leurs actions ou leurs écrits ont à se faire pardonner pour longtemps. Mais si la Résistance avait dû se passer du concours des premiers pétainistes, elle serait restée squelettique et c'est vouloir ignorer qu'il fut un temps pour reprendre l'expression d'Elie WIESEL, Prix Nobel de la Paix "Pétain c'était la France, la France c'était Pétain".

L'horreur est arrivée plus tard avec l'infâme Milice et son Chef Joseph DARNAND pro-nazi. J'étais alors mineur de fond en Allemagne, ayant créé quelques soucis aux occupants. Là-bas avec un camarade électricien, nous sommes parvenus à rompre un filin alimentant l'électricité d'une usine d'armement voisine. Les S.S. ne l'ont pas apprécié et j'ai dû me traîner ensuite durant plusieurs années avec deux cannes.

Mon ami Edgar MORIN a dit l'essentiel : "on ne peut juger des hommes ignorants ce que l'on sait depuis" ; c'est-à-dire la Shoa et Max FERRO a démontré qu'elle ne fut réellement connue qu'à la Libération.

 

Si l'on conteste mon rapport, il est vrai innattendu pour beaucoup, on expliquera pourquoi le Général de GAULLE offrit le journal Le Monde à Hubert BEUVE-MERY, sachant qu'il avait dirigé à Uriage l'Ecole des Cadres de Vichy. Et pourquoi Paul FLAMAND, fondateur des Editions du Seuil, Jean VILAR, Jean-Louis BARRAULT, Paul DELOUVRIER, Roger STEPHANE exercèrent librement leurs activités à Vichy, pourquoi Michel DEBRE y entreprit sa brillante carrière au Conseil d'Etat, pourquoi Maurice COUVE de MURVILLE y resta même plus que de raison à Vichy, y exerçant des fonctions importantes pour devenir plus tard Premier-Ministre du Général de GAULLE.

 

Au lendemain de la Libération j'ai créé l'Association Française contre la peine de mort avec Albert CAMUS, l'Abbé PIERRE, Jean ROSTAND et Maître Henry TORRES, alors "patron" de Robert BADINTER.

 

Un peu plus tard j'ai été membre de la Délégation française au Congrès de l'Europe à LA HAYE auquel participaient tous les chefs d'Etat et qui donna naissance aux institutions européennes actuelles. J'y représentais Henry FRENAY, alors Ministre après avoir été chef du principal mouvement de Résistance "Combat". Un heureux hasard me fit partager un repas avec Wiston CHURCHILL, de GASPERY, Président du Conseil Italien, et SPAAK, Premier Ministre belge. Tous se félicitaient de l'initiative de Jean MONNET concernant cette rencontre mais regrettaient qu'elle soit exclusivement placée sous le signe de l'exploitation commune du charbon et de l'acier, perspective peu enthousiasmante pour les jeunes générations. Ils regrettaient que l'Europe n'échange pas ses cultures, si enrichissantes, variées et complémentaires. En 2013 nous en sommes toujours là.

 

J'ai publié la première étude sur l'homosexualité alors sujet tabou. N'étant pas moi-même concerné par cette orientation sexuelle, j'étais frappé par les confidences de certains camarades de déportation car c'est dans ces moments d'isolement et d'abandon qu'on se livre. Ils disaient combien les homosexuels étaient pourchassés. La "Police des moeurs" (sic) envoyant ses inspecteurs les plus fringants dans les lieux, souvent sordides, où ils se réunissaient. Ces inspecteurs n'hésitaient pas à leur faire des avances et, s'ils y succombaient, ils se voyaient menottés et conduits au Commissariat.

Après la Libération l'homosexualité restait interdite et, sous les gouvernements du Général de GAULLE elle était considérée comme maladie mentale.

Mon étude était préfacée par Henry de MONTHERLANT qui écrivait : "On parle de guérir les homosexuels. Il faudrait plutôt guérir le cerveau de ceux qui croient qu'il y a lieu de guérir les homosexuels".

Pour cette étude j'ai interrogé les représentants de toutes les familles de pensée et les sociologues les plus avertis pour en arriver à cette conclusion simpliste : "On est ainsi et il n'y a ni à s'en prévaloir ni à s'en repentir" on ne peut juger quiconque pour ce qu'il est mais seulement pour ce qu'il fait.

Je me demande aujourd'hui si je ne suis pas allé un peu vite pour applaudir sans réserve le récent mariage pour tous. J'étais bien d'accord pour qu'une catégorie sexuelle ne soit pas privée des avantages accordés aux hétérosexuels et qu'ils pas soient ainsi victimes d'une discrimination évidente. Mais une manifestation de rue, c'est pour réclamer des droits. Or nous étions subitement envahis de manifestants exigeant que d'autres soient privés des mêmes droits que ceux dont ils bénéficient. Et leurs porte-parole omniprésentes, Christine BOUTIN et Brigitte BARJO avaient de quoi m'inquiéter par la simple connaissance de leur passé. La loi est votée et doit être respectée, mais je suis convaincu qu'un peu plus tard, paisiblement, on pourra l'améliorer pour que personne ne se sente offencé. Il reste que la quasi-totalité des musulmans et des chrétiens est attachée à la structure familiale traditionnelle et qu'ils ont le droit de la voir respecter, représentant une très grande partie de la population.

La position des Juifs est plus délicate : ils partagent ce point de vue, le Grand Rabbin de France l'a exposé dans un très beau texte que le Vatican a d'ailleurs repris à son compte mais de récentes enquêtes font ressortir que la ville réunissant le plus d'homosexuels n'est plus américaine mais israélienne : Tel-Aviv.

 

J'ai créé la première radio libre avec Max-Pol FOUCHET, Pierre SEGHERS, Jean CARLIER, Luc BERIMONT. Nous l'avons appelée RADIO PARIS pour réhabiliter ce titre confisqué et prostitué par les occupants et qui fut la première radio privée créée en 1920 par le Général FERIER. Corinne LEPAGE y présentait le journal de midi et nous avions toutes les semaines des chroniques notamment de Pierre MESSNER et Michel JOBERT. Il y a quelques semaines à l'issue d'une réunion publique au Sénat, Alain GOLDMANN, Grand Rabbin de Paris, a déclaré : "Je tiens à remercier Denis CLAIR pour les heures enrichissantes passées à Radio Paris où j'étais souvent invité".

 

Durant une vingtaine d'années j'ai animé les GRANDES CONFERENCES DE PARIS et le CERCLE FRANCAIS DE LA PRESSE. Il serait difficile de citer des personnalités politiques, littéraires et artistiques de l'époque qui ne s'y soient pas fait entendre.

 

A la demande de Robert MALLET, Recteur de l'Académie de Paris, j'ai dirigé une semaine consacrée aux relations entre croyants et non-croyants. Tous les soirs le grand amphithéâtre de la Sorbonne était comble et toutes les familles de pensée étaient représentées au plus haut niveau. Ce dialogue reste au coeur de mes préoccupations, je reste inquièté par ceux qui s'affrontent à coup de certitudes.

C'est dire que je ne suis peut-être pas encore destiné au sommeil définitif.

 

- de Jacques CHABAN-DELMAS, ancien Premier Ministre, Président de l'Assemblée Nationale, Député-Maire de Bordeaux : "Votre éditorial de ce numéro de "Libertés" met en lumière la stérilisation de la vie civique et l'écoeurement des jeunes à l'égard de la politique. Le diagnostic me paraît exact.

Si un pronostic devait être fait, il serait plutôt dans le sens négatif.

En fait, je crois que l'ennemi est toujours présent. Il occupe plus ou moins le terrain dans notre forintérieur. Il s'appelle naturellement l'égoïsme, l'envie, l'avidité mais aussi le repliement sur soi-même, la peur du changement, la crainte des réformes et bien d'autres encore.

Essayez donc de lutter contre cet ennemi et pour mener cette lutte, il lui faut comme un esprit de résistance. C'est une nouvelle résistance à laquelle il faut se livrer."

- de Jean COCTEAU : "Cher Denis CLAIR j'ai été passionné par ce que vous nous avez dit de la Radio et de tout ce qu'elle peut exprimer et traduire. Je savais déjà que nul ne parle mieux que vous du cinématographe et de la poésie.

- du Professeur Henri LABORIT (à qui on doit la plupart des psychotropes utilisés aujourd'hui) "J'ai eu l'occasion d'assister à une rencontre animées par Denis CLAIR devant 400 personnes de tous âges et de tous milieux. Les grands problèmes les concernant, tous ont été abordés et j'ai eu le sentiment que chacun s'est retiré avec du baume au coeur et de la chaleur à l'âme, l'esprit nettoyé. Des rencontres de cette qualité sont trop rares et Denis CLAIR, dont je me flatte d'être l'ami, est passé maître dans l'art de les conduire".

- de Théodore MONOD : "Denis CLAIR, homme de foi et de conviction, est sans doute un franc-tireur et, au sens littéral du terme, un "éclaireur". Il va seul, s'il le faut, mais il va tout droit et, comme disait Teilhard "n'importe où pourvu que ce soit en montant". Il reste pour moi celui qui combat pour que nous puissions, enfin, passer du temps de Moloch à celui de la Liberté, celui qui nous rend l'espérance".

- du Professeur JACQUARD : "Un homme qui sait rester debout, tel est Denis CLAIR. Tant d'événements auraient pu le courber - ce redoutable et douloureux séjour autre-Rhin, les privations, les accidents, la bêtise, l'incompréhension et la mort insupportable d'êtres aimés. Tout l'a atteint, rien n'a pu le faire plier. On aimerait le comparer à une épée, mais il n'apprécierait pas, lui, le non violent. La seule comparaison acceptable est un autre homme qui a su, lui aussi, rester fidèle à sa conviction profonde - et aller au bout de son engagement : François d'Assise. Par sa parole, par son exemple, le Poverello a bouleversé le treizième siècle.

En ces temps, où tout semble basculer, où l'histoire des hommes semble échapper aux hommes, nous avons un urgent besoin de paroles rigoureuses, de vies montrant par l'exemple que rien n'est fatal. Denis CLAIR est un de ceux qui transforment en aube le crépuscule de ce millénaire".

- de Gilles PERRAULT : "Merci Denis CLAIR pour ce magnifique "Témoin de l'Aube". Quelle vie époustouflante ! Que d'activités, que de chemins ouverts, que de mains tendues ! C'est un récit vivant, éclectique traversé par un humour délébile, assorti de vérités pas toujours à dire mais qui doivent pourtant être dites puisque c'est la vérité. Tu est le sel de la terre. merci encore.

- de l'Abbé PIERRE : "Tu as raison de rééditer ton livre qui a parlé au coeur de beaucoup et a décidé beaucoup à agir. Que cette lettre dise à tes nouveaux lecteurs la fidélité et l'amitié avec lesquelles, par des chemins souvent différents mais toujours tourné vers le même but, durant tant d'année, nous avons été frères. Dans la quasi-solitude d'ermite à laquelle l'âge m'a conduit, je t'assure pour toi et tous les tiens combien vous me restez présents dans l'effort de chaque jour. Merci à toi l'exemple de loyauté que tu n'as cessé de donner autour de toi".

- d'Edgar MORIN : "Denis CLAIR a compris que la fraternité est à la fois, le chemin, le moyen et le but. Merci de tout coeur pour son oeuvre magnifique !

- Albert MEMMI : "Denis CLAIR, c'est rare un homme qui a le courage d'être libre, c'est-à-dire d'être prêt à payer pour les conséquences de cette liberté".


Nous rappelons que les messages de nos lecteurs sont les bienvenus à l'adresse postale suivante : FRATERNITE - B.P. 46  -  93163 Noisy le Grand Cédex.

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Commentaires
J
Je ne puis ajouté de plus aux deux commentaires précédents.<br /> <br /> Jean-Louis Petit, compositeur et chef d'orchestre.
W
j'ai eu l'occasion de cotoyer Denis Clair à Radio paris, où il m'avait confié une émission d'interviews politiques, j'avais alors 17 ans. je me souviens de quelqu'un de bienveillant, à l'écoute, un personnage hors normes. je lui souhaite une encore longue vie. G
M
Je garde des souvenirs émus et très fort de mon ami Denis Clair, que j'ai, hélas perdu de vue. Je peux affirmer que c'est l'être le plus remarquable que j'ai la chance d'avoir rencontré et avec qui j'ai pu collaborer à la rédaction de deux revues "Lettres du monde" et "Libertés" et dans ce cadre, apporter également ma modeste contribution à un mouvement dirigé par Henri Caillavet" Pour un nouvel humanisme.<br /> <br /> J'adresse toute mon affectueuse reconnaissance à Denis Clair, mon ami de tout coeur.<br /> <br /> max-memmi@wanadoo.fr
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